Nous, chauves-souris, occupant⋅es du toit et du grenier de la dernière maison expropriée sur le tracé de l’A69, souhaitons raconter la situation actuelle de la ZAD du Verger.
Un récit vu d’en haut de la première semaine de siège.
Lundi 16, jour de remise des clés à Atosca par la locataire, l’huissier ainsi que le commandement de la gendarmerie ont manipulé Alexandra en lui mentant sur ses droits. Ils lui ont fait croire qu’elle ne pourrait pas toucher son indemnité tant que sa maison serait occupée. Toute la matinée, sous l’œil des médias, ils ont orchestré un chantage affectif, en la forçant à venir nous voir et nous supplier de descendre. Des avocat⋅es proches de la lutte nous ont confirmé qu’ils lui mentaient, et que notre présence n’empêchait en rien la remise des clés. Cette situation était douloureuse car nous avons toujours défendu Alexandra et ses intérêts, mais nous étions déterminé⋅es à empêcher la destruction de ce lieu par la Mafia A69.
Après plusieurs heures de torture psychologique, en comprenant que ni elle ni nous ne céderions, l’huissier a fini par respecter la loi et la laisser remettre ses clés et ainsi repartir. Sitôt Alexandra partie, les machines de destruction, escortées par les forces du désordre, se sont empressées de massacrer un par un les arbres fruitiers et toute la biodiversité de ce lieu. Sur le toit, nous avons dû subir chaque déchirement d’arbre mêlé à nos cris de douleur, de protestation et d’impuissance.
Pendant ce temps-là, le Peloton Special d’Intervention de la Gendarmerie a pénétré dans la maison barricadée, et lors du forçage de la barricade, nous avons entendu l’un d’eux menacer « ça m’a saoulé, je vais leur mettre dans le cul ». Une fois dans le grenier, ils ont pris la liberté de saccager nos affaires, en portant atteinte à notre dignité : ils ont lancé de l’eau sur le matériel medic, transpercé de coups de couteaux nos conserves et nos bidons d’eau, et versé le contenu de nos toilettes sèches sur les duvets et matelas. Ils ont également perpétré des actes misogynes et atteintes à la liberté du corps en détruisant des protections hygiéniques.
Les jours suivants, l’horreur s’est poursuivie avec l’arrivée de la CNAMO. Les mises en danger des écureuil.le.s ont eu pour conséquence notamment la chute de 6 mètres de haut d’un⋅e écureuil⋅le, provoquant des fractures du col du fémur et de vertèbres. Les conducteurs d’engins ont donné des coups de pelle mécanique et de nacelle dans des arbres occupés par des militant.e.s à plus de 10 m de haut, parfois sans baudrier pour se sécuriser.
Ce lieu est devenu un désert de plus, où seule la terre lacérée est apparente, en lieu et place de la cabane de jardin, du potager et du verger.
Le massacre s’est poursuivi accompagné des rires, sourires et comportements sexistes des ouvriers, l’un d’eux feignant de se masturber en se vantant d’avoir une « demi molle ».
Heureusement, ces instants effroyables furent égayés par des moments conviviaux, comme des concerts inédits des écureuil.le.s, ou des actes de courage comme la venue d’un rouleau compresseur participant au chantier, qui s’est immolé devant l’entrée du site. Sa carcasse, aujourd’hui érigée en barricade, nous rappelle à chaque coup d’œil ce moment mémorable et accueille les keufs chaque jour dès leur arrivée les FDO.
Le jeudi, 4ème jour de destruction,la CNAMO (toujours à terre face à notre deter’) n’attrapera qu’un seul écureuil,qu’ils feront descendre la tête en bas, pour finir interpelé avant même de toucher le sol par 10 gendarmes et qui finira en béquilles. Un négociateur de la gendarmerie est monté pour nous distribuer un document nous menaçant de 300 euros d’amende par heure par personne, soit environ 70000 euros par jour. Le juge prendra sa décision le 3 octobre sur cette astreinte requise par Atosca/NGE pour nous faire descendre. Encore raté !
Le lendemain, la préfecture, vexée de la dernière soirée, a mis en place un siège permanent. Fini les flics grimpeurs incompétents, fini les négociateurs et leurs menaces inutiles, leur dernier recours reste encore une fois de nous affamer, de nous priver de vivres et de dignité.
C’est pas loin de 13 ou 12 camions de CRS qui nous encerclent chaque nuit, projecteurs braqués sur nous et rires glaçants qui troublent nos sommeils. Aux demandes de ravitaillement en eau, le colonel répond : « vous pourrez boire si vous descendez ». Nos camarades du sol ont donc tenté de nous apporter des sacs de vivres, au pied de la maison. Les tentatives de ravitaillement se heurtent à des coups de tazer, de matraques télescopiques, de gazeuses à main et de sales plaquages au sol et interpellations. Tout ça sur des personnes non violentes, en train de courir avec des sacs de nourriture, qui finissent en garde à vue pour « rébellion » et ressortent finalement sans poursuites, car aucune insulte ni acte violent n’ont été perpétrés. Encore une fois, la préfecture et ses robots armés utilisent leurs armes et leur prétendue « légitimité » pour exercer de la violence sur nos corps et nos esprits, pour nous terroriser et tenter de briser notre solidarité.
Aujourd’hui, après une semaine de saccage policier et 4 jours privé.e.s de nos camarades, nous réaffirmons notre volonté et nos convictions à rester sur ce toit, en l’honneur d’Alexandra, qui nous as ouvert ses portes il y a des mois déjà, et en hommage à toutes les personnes spoliées, expropriées, à qui on a volé des terres, des maisons, des champs, des années de vie et de souvenirs, leurs repères, leurs racines…
Ainsi qu’à toutes les personnes qui ont vu leur environnement et leurs vies détruites par des projets absurdes, d’une prétendue « utilité publique », qui ne bénéficient qu’à une Mafia assoiffée de profits qui agit main dans la main avec les pouvoirs publics, dont l’armée est au service des commanditaires du massacre.
Malgré la féroce répression, les mensonges quotidiens de la presse mainstream et le terrorisme d’État, nous continuons à lutter contre ce projet d’autoroute et son monde.
Justice pour les expropriées, à bas l’État policier !